L'appel de Charles Tillon (P.C.F.) à la Résistance le 17 juin 1940

Source : F.T.P. Soldats sans uniformes.

 

 

2167228-3020256.jpgCharles TILLON

 

Mobilisé en 1916 dans la marine, Charles Tillon est l’un des dirigeants de la mutinerie de la mer Noire (26 juin 1919), et est condamné à cinq ans de bagne au Maroc. Il adhère au PCF et à la CGTU, entre au Comité central du Parti Communiste (1932). Député d’Aubervilliers (1936).

 

En 1939, il rentre dans la clandestinité et organise la Résistance communiste à travers les Francs-Tireurs et Partisans (Francs-Tireurs et Partisans, juin 1941) dont il est le chef du Comité militaire national.

Cinq fois ministre à la Libération, élu député communiste de la Seine en 1945 et réélu en 1951, il est membre des deux Assemblées constituantes en 1945 - 1946, puis il siège à l’Assemblée nationale jusqu’en 1955. Il est membre du Bureau politique du PCF (1945 - 1952), et dirigeant du Mouvement de la Paix. Il est écarté de la direction du PCF en 1952 (affaire Marty-Tillon), réintégré en 1957, et exclu en 1970 après avoir protesté contre l’invasion de la Tchécoslovaquie et critiqué le fonctionnement stalinien du PCF.

1) TEXTE DE L’APPEL DE CHARLES TILLON

"Les gouvernements bourgeois ont livré à Hitler et à Mussolini : l’Espagne, l’Autriche, l’Albanie et la Tchécoslovaquie... Et maintenant, ils livrent la France.

Ils ont tout trahi.

Après avoir livré les armées du Nord et de l’Est, après avoir livré Paris, ses usines, ses ouvriers, ils jugent pouvoir, avec le concours de Hitler , livrer le pays entier au fascisme.

Mais le peuple français ne veut pas de la misère de l’esclavage du fascisme.

Pas plus qu’il n’a voulu de la guerre des capitalistes.

Il est le nombre : uni, il sera la force.

Pour l’arrestation immédiate des traîtres

Pour un gouvernement populaire s’appuyant sur les masses, libérant les travailleurs, établissant la légalité du parti communiste, luttant contre le fascisme hitlérien et les 200 familles, s’entendant avec l’URSS pour une paix équitable, luttant pour l’indépendance nationale et prenant des mesures contre les organisations fascistes.

Peuple des usines, des champs, des magasins, des bureaux, commerçants, artisans et intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, UNISSEZ VOUS DANS L’ACTION !"

Charles Tillon, Gradignan, 17 juin 1940


2) Antoine Porcu présente le texte de cet appel et en explique le sens dans L’Humanité


« L’appel de Charles Tillon est un appel à la résistance sur le territoire national, tandis que celui du général de Gaulle s’adresse d’abord aux français présents en Angleterre pour leur demander de se rassembler autour de lui. Par ailleurs, l’appel de Charles Tillon est explicitement lancé au nom de la lutte contre le fascisme.

Cela le différencie également de l’appel de Thorez et Duclos du 10 juillet 1940, conforme à la ligne de la IIIe Internationale. Celle-ci réduisait la guerre en cours à un affrontement antiimpérialiste. Cela ne permettait pas de cerner la spécificité du phénomène fasciste. À l’inverse, Charles Tillon en appelle au rassemblement du peuple dans l’action contre le « fascisme hitlérien », dans le droit fil de la stratégie du Front Populaire pour laquelle Maurice Thorez s’était lui-même battu.

Depuis la Libération, la propagande anticommuniste affirme que les communistes ne sont entrés en résistance qu’en juin 1941, lorsque l’Union soviétique est attaquée par les nazis. C’est une parfaite falsification. D’ailleurs, l’importance de ce texte a été appréciée par la direction clandestine du Parti Communiste, laquelle intègre Charles Tillon, à la demande de Benoît Frachon. Mais derrière ce genre d ‘accusation, c’est le rapport même des communistes au peuple français de l’époque qui est questionné. L’appel de Charles Tillon permet de lever toute ambiguïté. Il prouve que l’engagement des communistes s’est fait indépendamment des directives de la IIIe Internationale.

Car cet appel n’est pas une initiative purement personnelle. Lorsqu’il le rédige, Charles Tillon est mandaté par le Comité central pour réorganiser le parti communiste dans tout le Sud-Ouest de la France. Son appel y rencontre un certain écho. Les kiosquiers de Bordeaux l’insèrent dans les journaux. Il parvient même jusqu’aux chantiers navals de Saint-Nazaire. Le Parti communiste français a été traversé par de nombreuses et dramatiques contradictions. Mais il a toujours été avant tout un collectif de femmes et d’hommes mobilisés pour l’émancipation humaine. Le combat pour cette reconnaissance est crucial dans un contexte où la droite la plus réactionnaire reprend le flambeau de la virulente campagne anticommuniste d’après-guerre dans le but de briser tout espoir de transformation sociale. »

Antoine Porcu (1) dans un entretien donné à « l’Humanité » du 4 mars 2006.

 

appel-tillon2.jpg

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :